vendredi 6 janvier 2012

Take Shelter de Jeff Nichols



Take Shelter aurait pu être un énième film qui s'offre le vertige facile du "qui a raison ?" laissé en suspens (Shutter Island, Inception) mais s'évite de l'être ou du moins  part comme s'il s'apprêtait à l'être pour finir par boucler -apparemment- son sens. C'est surprenant en même temps qu'apaisant, car ce qui était devenu une surprise ("rêve, réalité, on ne sait pas", etc.) a crée en nous spectateurs l'attente d'une surprise qui n 'en était plus une ("on va bientôt ne pas savoir") dont Take Shelter en figure le dépassement ("ah on sait")
Par la fenêtre ou depuis l'encadrure de l'abri, le film met en scène obssessivement le contrechamp impatient de voir arriver son apocalypse, celle-ci n'est rien d'autre que la clarté d'une image d'un autre ordre que les autres, l'image révélée. Une image révélée est par définition un aboutissement, elle ne peut pas renvoyer à autre chose. Cette image qui daigne se montrer génèrera un autre forme de mystère que celui d'Inception : celui de trouver étonnant et suspect de savoir au cinéma, d'avoir accès à cette image.
Je me souviens de la salle haletante qui poussait des "ooh" à la fin d'Inception, la manipulation avait quelque chose de trop parfait pour ne pas être suspecte : elle était infantilisante, peut-être aussi intéressante voire passionnante pour cette même raison. Il se passe précisément le contraire dans Take Shelter, nous avançons à même hauteur que le film, nous arrivons ensemble à destination, il ne va pas s'engouffrer dans le mystère de son silence car tout y est montré.
En ceci, le film préfigure peut-être (avec A Dangerous method) un retour à ce qu'on appelle classiquement interpréter un film. Un film qui se donne dans la générosité de son évidence, évidence qui, en tant qu'elle appartient au cinéma, n'en est jamais une : le régime de l'image ne sera jamais le régime de cet objet réel qui est devant moi. Au cinéma ce qui est clair et distinct est seulement clair et distinct.
Take Shelter
nous fait ainsi la promesse d'une image, lorsqu'elle apparaît, celle-ci est insatisfaisante : on bute contre ses cyclones qui n'expliquent rien, "il y a des cyclones" voilà tout ce qu'on peut en dire. Alors qu'on devrait en conclure "ces prémonitions étaient vraies, il n'avait pas tort", nous nous demandons : à quel ordre de réalité appartient cette image ? Question dont la réponse fait s'éparpiller le film dans des directions qui éclairent chacune d'une tonalité différente l'ensemble de ses scènes. La limpidité d'un propos ne se confond plus avec une manière d'en finir avec lui mais relance paradoxalement l'initial "on n'en finira jamais" de toute oeuvre digne de ce nom.

2 commentaires:

  1. Y en a qui pensent pas tout à fait aussi élogieusement:
    http://towardgrace.blogspot.com/

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  2. ah merde, j'ai compris après que c'était le blog de Claro, pourquoi se sent-on obligé d'adopter un ton de petit malin quand on veut dire du mal d'un film ?

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